Une jeunesse plurielle
Émission avec Marc Lazar et Olivier Galland, rapport et synthèse, février 2022
Quelles sont les caractéristiques qui permettent de définir la jeunesse française ? Les 18-24 ans, en 2022, sont-ils en rupture avec les précédentes générations ? Cette enquête d’une ampleur inédite a été réalisée au mois de septembre 2021 auprès de 8 000 jeunes Français.
Résumé (3 pages) et rapport complet (172 pages) sur le site de l’Institut Montaigne
Grand entretien avec Marc Lazar, professeur d’Histoire et de sociologie politique à Sciences Po, Senior fellow à l’Institut Montaigne et Olivier Galland, sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS sur France Inter
Des jeunes qui se disent heureux et passionnés…
82 % des jeunes Français se disent heureux, et 17 % d’entre eux se disent même très heureux.
Les jeunes se montrent de plus en plus désireux de vivre à l’étranger, et aspirent à plus de mobilité : plus d’un jeune sur cinq souhaite vivre dans un autre pays. Deux jeunesses se contrastent à l’échelle territoriale : une jeunesse rurale plus populaire, souvent active, attachée à cet ancrage local ; une jeunesse urbaine, souvent scolaire ou étudiante, de milieux sociaux plus favorisés et décidée à demeurer dans ce cadre urbain.
…tout en faisant face à des difficultés importantes
Les questions d’argent préoccupent beaucoup les jeunes : 59 % d’entre eux trouvent les questions d’argent difficiles. Ces difficultés matérielles sont par ailleurs clairement corrélées au niveau d’aisance financière de leurs parents. 41 % des jeunes disent également rencontrer des difficultés dans le cadre de leurs études et 28 % s’estiment insatisfaits de leur orientation scolaire. Cette situation a des effets psychologiques beaucoup plus délétères chez les jeunes de faible niveau d’études et est un facteur décisif de mal-être chez beaucoup d’entre eux.
Une génération marquée par le Covid
Les jeunes Français ont beaucoup souffert du Covid-19, et la crise sanitaire a eu de lourdes conséquences sur ces jeunes générations. 51 % d’entre eux indiquent que la crise sanitaire a eu un impact négatif sur leur moral. L’impact négatif que cela a eu sur leur travail, le déroulement de leurs études ou encore leurs relations sociales ont causé chez 22 % des jeunes des troubles alimentaires.
Des clivages qui contrastent la jeunesse
- Le sexe et le genre : les jeunes femmes et les jeunes hommes sont très différents dans leur manière de se mobiliser politiquement, et ne se reconnaissent pas dans les mêmes formes de protestation.
- Le capital culturel hérité : mesuré selon le nombre de livres présents dans le foyer de leurs parents, cette donnée impacte fortement la participation politique et sociale des jeunes.
- L’origine nationale et la religion.
4 jeunesses françaises se dessinent
Une jeunesse de plus en plus concernée par les questions de société…
64 % des jeunes considèrent que la société doit être améliorée progressivement par des réformes. Beaucoup de préoccupations sont d’ailleurs partagées avec leurs parents et les Baby Boomers comme les violences faites aux femmes, le terrorisme et l’écologie.
Les jeunes sont également indéniablement plus sensibles que les générations précédentes à la thématique du racisme structurel : 46 % d’entre eux sont d’accord avec l’idée que la France est et demeurera une société raciste du fait de son passé colonial, contre respectivement 33 % et 30 % pour la génération des parents et des Baby Boomers.
(…) Les questions de genre et de droit des LGBT se situent loin derrière les violences faites aux femmes et la faim dans le monde dans les priorités des jeunes.
…mais dont la désaffiliation politique s’amplifie
Sur le plan politique, la principale divergence tient à la désaffiliation politique des jeunes qui s’est considérablement amplifiée : 64 % des jeunes montrent des signes de désaffiliation politique (en ne se situant pas sur l’échelle gauche-droite ou en ne se sentant de proximité avec aucun parti) contre 40 % de la génération des parents et 36 % des Baby Boomers.
Seule une minorité de jeunes parvient aujourd’hui à se situer politiquement, 43 % des jeunes n’ayant pas d’idées assez précises pour se positionner sur l’échelle gauche-droite (contre 25 % des parents et 20 % des Baby Boomers). Une partie importante des jeunes ne se reconnaît donc dans aucune tendance politique soit par méconnaissance, soit par désintérêt et peut-être aussi par rejet.
Les jeunes femmes impulsent aujourd’hui les évolutions sociétales et politiques
En 2022, les femmes sont à l’avant garde sur beaucoup de questions politiques et sociétales et sont par ailleurs très sensibles aux questions des violences sexuelles, dont 28 % d’entre elles affirment avoir été victimes. Elles sont donc notamment un moteur de l’évolution générale des attitudes socio-politiques à l’égard des questions relatives au genre : 60 % d’entre elles estiment que les différences de genre sont produites par la société et non naturelles, contre respectivement 37 % de la génération des parents et 36 % de la génération des Baby Boomers.
Surtout, 61 % des jeunes femmes sont en désaccord avec l’idée selon laquelle les hommes et les femmes auront toujours des points de vue et des façons d’être différents du fait de leur sexe, contre 36 % des femmes de la génération des parents et de celle des Baby Boomers. L’évolution des jeunes femmes au travers des générations est beaucoup plus forte que celle des hommes.
Elles ont un goût beaucoup plus prononcé que les autres générations pour la protestation, mais respectent vivement le cadre démocratique et répudient la violence politique. Face à ces formes de politique trop masculines, elles peinent à trouver leur place.