Reconstruire le lien police-population : un défi démocratique dans lequel les policiers ont tout à gagner
Note de Marie Lajus, octobre 2025
Le développement d’une logique de confrontation dans la gestion des crises, la police du quotidien et la mise en œuvre des contrôles d’identité a accru la défiance envers les forces de l’ordre, tout en mettant les agents eux-mêmes en difficulté. La réponse policière à la crise sanitaire de 2020 a illustré une logique plus répressive que pédagogique, focalisée sur les chiffres et dépourvue de message préventif, aggravant les tensions dans les quartiers populaires. De manière routinière, les contrôles d’identité, massivement pratiqués sans ciblage, alimentent un sentiment d’injustice, de discrimination et d’arbitraire. Pour en sortir, le rapport propose d’adopter des stratégies de prévention et de dialogue, fondées sur l’engagement et l’explication, la contrainte n’intervenant qu’en dernier ressort ; de renforcer la formation initiale et continue, de développer l’usage des caméras-piétons, d’enregistrer systématiquement les contrôles et de créer un code de bonnes pratiques.
La gestion du maintien de l’ordre dans les manifestations récentes révèle une confusion des rôles et un usage disproportionné de la force, dû à des doctrines obsolètes et à une logique d’affrontement. Des cas aussi différents que les gilets jaunes (en 2018–2019) et la finale de Ligue des champions au Stade de France (en 2022) ont montré un usage inadapté de la coercition : recours à des unités non spécialisées, pratiques de la « nasse », absence de communication ou de dispositifs d’apaisement, criminalisation rapide des manifestants. Ces dérives, souvent dictées par la volonté politique d’afficher un rapport de force, ont produit de lourds bilans humains et une rupture du lien avec le public. Le rapport recommande de renforcer des pratiques plus adaptées aux situations de rassemblements populaires, visant la communication et la désescalade, attachées à une logique d’anticipation (fondées sur un renseignement de qualité), de systématiser les outils de communication avec les foules (messages, médiateurs, hauts parleurs), de cesser les pratiques indiscriminées de nasse et de reconsidérer le rôle du manifestant comme citoyen.
La mobilisation inappropriée d’unités spécialisées (BRAV-M, RAID, GIGN, BRI) pour des missions de maintien de l’ordre ou de sécurité du quotidien reflète une dérive stratégique. Cette pratique expose les agents à des situations pour lesquelles ils ne sont ni préparés ni équipés, entraîne des violences, générant en retour la défiance. Des opérations comme « Place nette », conçues avant tout comme des outils de communication politique, illustrent cette logique où l’affichage de puissance prime sur l’efficacité de terrain. Le rapport appelle à recentrer l’action policière sur les missions quotidiennes de service public, à cesser la confusion entre lutte antiterroriste et maintien de l’ordre, à éviter l’exposition judiciaire des agents et à revaloriser les savoir-faire de proximité en sécurité publique. Il propose de créer des unités de médiation visibles sur le terrain pour faciliter le dialogue lors des manifestations.
En conclusion, le rapport plaide pour une transformation profonde du paradigme actuel, trop centré sur la répression et l’affichage politique, au détriment de la confiance et de l’efficacité. Il montre les impasses d’une chaîne de commandement trop verticale, des décisions politiques à courte vue et d’une culture professionnelle valorisant la confrontation. Ce modèle nuit à la fois aux citoyens, victimes de pratiques brutales, et aux policiers, exposés à des missions mal définies et risquées. Il est urgent, selon les auteurs, de réinvestir les fondamentaux du service public : formation, prévention, transparence, contrôle démocratique, et reconnaissance du citoyen, le tout au service d’une action efficace, comprise par les usagers et ancré dans de vraies compétences professionnelles.
Note à télécharger sur le site de Terra Nova
Emission et podcast avec Joséphine Staron, Abdoulaye Kanté ,Marc Lazar, et Marie Lajus ci-dessus et sur la chaîne T18
Infographie et enquête « Accès aux droits » sur les relations entre police et population sur le site du Défenseur des Droits
Recommandations du comité scientifique de la DILCRAH sur la formation initiale et continue des policiers et la lutte contre le racisme.
