L’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap

Rapport d’initiative citoyenne, CDC, septembre 2024

L’inclusion scolaire vise à assurer une scolarisation de qualité à tous les élèves par la prise en compte de leurs singularités et de leurs besoins éducatifs particuliers. Depuis la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005, la scolarisation des élèves en situation de handicap dans le milieu scolaire ordinaire constitue en France un principe de droit. Les effectifs d’élèves en situation de handicap en milieu scolaire ont ainsi triplé, passant de 155 361 élèves à la rentrée 2006 à 436 085 en 2022. Sur le plan quantitatif, le système scolaire a su se transformer. Néanmoins, le parcours des élèves et de leurs familles reste complexe : information sur les solutions et les parcours, fluidité des transitions entre milieux scolaires ordinaires et médico-sociaux, orientation scolaire ou encore insertion socio-professionnelle. L’évaluation de la Cour, faisant suite à une sollicitation citoyenne en 2022, porte sur le parcours de ces élèves, depuis leur entrée en école maternelle à partir de l’âge de trois ans, jusqu’à leur sortie du lycée. Elle débouche sur quatre messages clés (ci-après).

Rapport, synthèse et document en FALC sur le site de la Cour des Comptes

1 : Améliorer la conduite, le suivi et l’évaluation de la politique publique

Malgré les transformations qu’elle a induites dans l’organisation du système scolaire, la politique de scolarisation des élèves en situation de handicap est tributaire de la coexistence des secteurs éducatifs et médico-social dont la coordination et les interactions sont à renforcer. En outre, les maisons départementales des personnes handicapées prescrivent des affectations en établissements médico-sociaux qui n’aboutissent pas toujours ce qui conduit, en raison de l’obligation de scolarisation, les écoles et les établissements scolaires à accueillir des élèves présentant des troubles face auxquels les intervenants éducatifs se sentent démunis. Par ailleurs, la politique de scolarisation des élèves en situation de handicap souffre d’un manque global de données pour qu’elle puisse être évaluée sur une base documentée. En effet, seul est connu, le montant qui relève du périmètre budgétaire du ministère de l’Éducation nationale (3,7 Md€ en 2022). Il n’intègre pas les financements qui sont apportés par les collectivités territoriales. Il faut également relever le manque d’analyse de l’impact de la politique sur la réussite scolaire et éducative des élèves en situation de handicap, ainsi que l’impossibilité de distinguer les parcours ou les dispositifs les plus efficaces et efficients. Il en résulte qu’il n’est guère possible de se prononcer sur les performances du modèle français d’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap.

2 : Améliorer l’usage des outils d’accessibilité et de compensation

Deux approches sont utilisées pour répondre aux besoins des élèves en situation de handicap : l’accessibilité et la compensation. L’accessibilité vise à assurer l’accès de tous les jeunes aux savoirs, dans l’école la plus proche de son domicile. Les collectivités territoriales sont ainsi responsables de rendre accessibles les bâtiments scolaires et les équipements sportifs et culturels. L’évaluation de la Cour montre qu’il y a souvent un manque de planification concertée, nécessaire pour répondre aux besoins. En ce qui concerne les enseignants, ils se sentent souvent limités dans leur capacité à diversifier leur enseignement en raison, entre autres, de l’absence de supports pédagogiques adaptés. La compensation, elle, garantit le droit pour une personne en situation de handicap de bénéficier de mesures individuelles assurant l’égalité des droits et l’équité des chances. L’évaluation souligne un recours prépondérant aux accompagnants humains (AESH), devenu le deuxième métier de l’éducation nationale, au détriment des dispositifs d’accessibilité qui restent insuffisamment aboutis.

3 : Renforcer la gestion des moyens humains consacrés à l’inclusion scolaire

Les intervenants éducatifs en faveur de l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap ressentent souvent un mal-être dans leur pratique quotidienne. Les enseignants et les accompagnants d’élèves en situation de handicap estiment ne pas être suffisamment outillés et préparés, que ce soit en termes de formation initiale ou continue, pour faire face à des situations qui, selon eux, dépassent parfois leurs compétences et leurs moyens d’action. Ils souhaitent bénéficier de conseils et d’appuis de spécialistes, issus notamment des secteurs médico-sociaux et médicaux, et aspirent au renforcement de formations « croisées » destinées à dépasser les cloisonnements entre les différents métiers impliqués. En outre, une valorisation plus marquée des enseignants spécialisés est souhaitable tout comme le renforcement de l’attractivité de la formation spécialisée (CAPPEI). Des points de repères manquent, par ailleurs, aux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) pour clarifier leur rôle vis-à-vis des enseignants et, plus largement, pour renforcer leur reconnaissance au sein de la communauté éducative et leurs conditions de travail. Il serait également souhaitable d’établir un référentiel professionnel permettant de garantir la pertinence de leur accompagnement individuel ou mutualisé auprès des élèves. De même, la dispersion des services en charge de la gestion des accompagnants d’élèves en situation de handicap montre les limites des pôles inclusifs d’accompagnement localisés qui font l’objet de critiques récurrentes.

4 : Faciliter le parcours des élèves et de leurs familles

Les familles rencontrées au cours de l’évaluation ont quasi unanimement qualifié la scolarisation de leurs enfants de « parcours du combattant », devant par exemple reformuler, à plusieurs reprises, des demandes de prise en charge auprès des maisons départementales des personnes handicapées. Il paraît aussi indispensable de travailler aux décloisonnements des prises en charges entre le milieu scolaire ordinaire et le secteur médico-social, afin de construire un accueil éducatif inclusif pris dans sa globalité. Par ailleurs, dans l’attente de la généralisation du Livret de parcours inclusif, les outils de dialogue et de suivi manquent pour faciliter le parcours et l’orientation des élèves en situation de handicap pendant leur scolarité, lors de la poursuite d’études supérieures ou de l’insertion professionnelle. De nombreux élèves en situation de handicap connaissent des parcours discontinus, qui sont sources de sentiments de mal-être et d’incertitudes sur leur avenir. En effet, le taux de chômage des personnes en situation de handicap sur le marché du travail reste encore près de deux fois supérieur à celui des autres actifs (12 % contre 7 % en 2022), ce qui montre les limites de l’appareil de formation français à donner à tous les jeunes les mêmes chances en termes de trajectoire professionnelle.

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