Le handicap, un impensé des enseignements disciplinaires ?
Article de Cécile Morin, CLHEE, juin 2019
Alors que les élèves handicapés sont de plus en plus nombreux à être scolarisés en milieu ordinaire, à défaut de l’être tous et malgré le manque criant de moyens pour les accompagner, les représentations du handicap véhiculées dans les enseignements disciplinaires relèvent encore largement de l’ordre de l’impensé. En effet, si la scolarisation de ces élèves fait l’objet d’une littérature relative aux dispositifs spécifiques d’« inclusion » dans les classes, force est de constater par contraste, un déficit de réflexion et d’analyse critique des effets de la parole tenue sur le handicap, ou de son absence, dans les enseignements dispensés à l’école.
Il y a là pourtant un enjeu majeur : d’abord parce que les personnes handicapées constituent une population particulièrement dominée socialement et politiquement – rappelons par exemple que la discrimination en raison du handicap est la première cause de saisine du défenseur des droits. Mais aussi parce que la vigueur des représentations qui essentialisent les personnes handicapées conduit nombre d’enfants et d’adolescents à intérioriser une vision dépréciée d’eux-mêmes, à se sentir illégitimes, et, en l’absence de contre-discours ou de récits alternatifs à ces représentations dominantes, à se construire dans le désamour de soi, de leur corps, sans possibilité d’identification positive. Car pour sortir de l’aliénation qu’engendre la circularité des discours et des images validistes qui présentent avec une redoutable constance le handicap comme une tragédie individuelle, et comme un problème voire un fardeau pour la société, il faut, à un moment de son parcours, rencontrer une parole, un texte, qui reconnaissent le caractère arbitraire des normes valido-centrées organisant le monde social. Une parole, un texte, qui ouvrent la possibilité de s’émanciper des assignations identitaires et des stéréotypes auxquels ces jeunes sont constamment renvoyés. Et, sauf à renoncer totalement à la vocation émancipatrice de l’enseignement scolaire, il serait souhaitable que cette parole soit d’abord entendue à l’école.
Texte intégral sur le site du Collectif Lutte et Handicaps pour l’Egalité et l’Emancipation (CLHEE)