La nation inachevée : la jeunesse face à l’école et la police

Entretiens avec Sebastian Roché, mai-juin 2023

En 2022, le nombre record de 13 décès a été enregistré après des refus d’obtempérer lors de contrôles routiers en France. En cause, une modification de la loi en 2017 assouplissant les conditions dans lesquelles les forces de l’ordre peuvent utiliser leur arme. Elles sont désormais autorisées à tirer quand les occupants d’un véhicule «sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui». Des termes jugés trop flous par de nombreux juristes.

Entretien sur le site du journal Le Temps

La thèse principale développée dans l’ouvrage La nation inachevée, la jeunesse face à l’école et la police (Grasset, novembre 2022)  est que le sentiment d’appartenance à la nation ne repose ni sur l’exposé abstrait de la loi ni sur la contrainte, mais sur un attachement subjectif et une adhésion volontaire, issus dans les deux cas de l’expérience concrète des individus. Cette expérience se construit au quotidien dans la relation sensible avec les « agents de première ligne » de l’Etat que sont les enseignants et les policiers.

Présentation sur le site des éditions Grasset

La relation entre citoyenneté et police est au centre de l’organisation de toute société démocratique. Or, la réponse au mouvement social contre la réforme des retraites a mis en lumière de nombreux débordements violents. Le 24 mars 2023, le Conseil de l’Europe s’est inquiété d’un « usage excessif de la force » par la police, tandis que la Ligue des Droits de l’Homme a accusé la police et les autorités françaises de mettre « à mal le droit de contestation des citoyens en faisant un usage disproportionné et dangereux de la force publique ».

Ces mises en garde s’ajoutent aux disputes, particulièrement politisées, sur la pertinence de la notion de « violences policières » pour décrire ces débordements. Quelle forme et quel niveau de violence sont acceptables dans une démocratie ? À partir de quel moment la relation entre citoyenneté et police prend-elle le risque d’être rompue ? Assiste-t-on à une évolution de la doctrine française du maintien de l’ordre ? Enfin, l’histoire contemporaine a montré que les « émeutes urbaines » ont toujours eu des incidents avec la police comme élément déclencheur, en France comme ailleurs dans le monde. Les abus de contrôle au faciès sur les populations issues de l’immigration ou perçues comme telles ont été empiriquement démontrés et objectivement mesurés. Cela signifie-t-il que les quartiers populaires et immigrés ont été l’avant-garde d’une relation conflictuelle avec la police, qui serait désormais appelée à être généralisée à l’ensemble de la population ?

Sebastian Roché est politologue spécialiste des questions de police, directeur de Recherche du CNRS et enseigne à Sciences-Po Grenoble.

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