Faire genre
Série de 8 podcasts de Laurène Daycard, Binge audio
Une fois par mois, la journaliste Laurène Daycard convie un·e chercheur·euse parmi les plus pointu·e·s sur les questions de genre : philosophes, sociologues, anthropologues, littéraires et politistes… pour apprendre, douter aussi parfois, et surtout mieux penser en profondeur la société. Un podcast de Binge audio et de L’Institut du genre.
#1 S’extraire de la binarité – Emmanuel Beaubatie
Le féminin et le masculin sont-ils des territoires distincts séparés par une frontière ? Si l’on considère le genre comme un rapport social de pouvoir tout aussi puissant que la classe, le parcours des personnes trans’, d’une classe de dominées à une classe de dominants, ou inversement, ne pourrait-il pas être analysé en termes de transfuge de sexe ?
Laurène Daycard reçoit le sociologue Emmanuel Beaubatie pour explorer la puissance de la binarité à l’aune des parcours des personnes dites « trans’ » dans notre société patriarcale.
#2 Le « care » : radicaliser le féminisme – Sandra Laugier
L’attention à autrui est-elle une capacité typiquement féminine ? Et valoriser les qualités de souci des autres et les activités de soin, est-ce vraiment féministe ?
Pour la philosophe Sandra Laugier, l’éthique du « care », loin d’essentialiser une distinction femme/homme, permet au contraire de mettre en évidence les problèmes que doivent affronter les femmes en matière de sexisme et d’inégalités et finalement de revendiquer une autre forme de moralité.
#3 La « performativité » : genre, mascarade et jeux de rôles – Anne-Emmanuelle Berger
Le terme « performativité » vient de l’anglais « to perform » qui signifie à la fois « jouer » et « interpréter », et évoque donc le monde du spectacle, la scène, le théâtre. Il suggère que le genre est aussi un rôle, une imitation, un jeu de masques, induit par les codes sociaux différenciés et intériorisés avec le temps. Et si le féminin et le masculin étaient des idéaux inatteignables, des rôles que nous ‘performons’ à chaque instant, sans jamais être totalement « homme » ou totalement « femme » ?
C’est ce qu’explique la Professeure émérite de littérature française et d’études de genre, Anne-Emmanuelle Berger, dans ses travaux de recherche et dans ce nouvel entretien en revenant sur toutes les théories et questionnements au fondement de cette notion qui s’applique aussi bien aux actes qu’à la parole, à la vie de tous les jours qu’aux représentations.
#4 On ne naît pas féministe – Florence Rochefort
Suffragettes, radicales, intersectionnelles, universalistes… Que signifie « être féministe » ? Y a-t-il une seule bonne façon de l’être aujourd’hui ? Et quelles sont les différences notables entre les générations de militantes ?
Ces questions fréquentes impliquent de revenir sur la naissance de ce terme, sur l’histoire des luttes mais aussi sur la pluralité et la spécificité des mouvements féministes à travers le monde. L’historienne Florence Rochefort, chercheuse au CNRS, nous accompagne dans ce voyage.
Si la métaphore des « vagues féministes » met en avant des ruptures dans la manière de lutter au cours des décennies, celle-ci cache toutefois les combats sous-jacents et continus tournés vers un grand objectif : construire un « nous femmes », une catégorie non pas fondée sur du biologique mais sur une condition commune de victimes d’inégalités de genre.
#5 L’hétéronormativité : en fait et en droit – Lisa Carayon
Quelle est la place du droit français dans la construction des rapports sociaux de sexe ? En quoi le concept de genre peut-il nous aider mettre en questions le principe d’égalité inscrit dans la constitution française ?
Pour la chercheuse en droit Lisa Carayon, les normes juridiques actuelles supposent encore que les hommes et les femmes existent en couple et font famille ensemble. Pensé et construit à travers l’histoire par une majorité d’hommes blancs, cisgenres et hétérosexuels, le droit produit et hiérarchise des catégories d’individus et participe aux mécanismes de domination à l’œuvre. Ainsi, le droit n’enregistre pas une réalité qui serait naturellement hétérosexuelle, il la crée. Il est donc au fondement de l’hétéronormativité.
#6 Aux sources du Patriarcat – Salima Naït Ahmed
Comment définir « le Patriarcat » ? Et comment s’y prendre pour déconstruire l’idée de « mythe patriarcal » encore souvent évoqué, et expliquer la persistance de ce système dans nos sociétés capitalistes où l’exploitation des femmes et des minorités demeure ?
La chercheuse Salima Naït Ahmed, Docteure agrégée de philosophie et spécialiste de la Théorie critique allemande et de l’École de Francfort, revient sur cette problématique.
#7 Intersectionnalité : toutes les dimensions de la domination – Francine Nyambek Mebenga et Fanny Gallot
« Toutes les femmes sont blanches, tous les Noirs sont hommes, mais nous sommes quelques-unes à être courageuses ». Le titre de l’ouvrage sur le Black Feminism de Gloria Hull, Patricia Bell Scott et Barbara Smith exprime l’invisibilisation des expériences de racisme imbriquées au sexisme, mais aussi à la classe, l’âge ou la validité.
C’est pourquoi la pensée intersectionnelle, introduite par la juriste Kimberlé Crenshaw en 1989 et popularisée ces dernières années, offre une nouvelle perspective permettant d’enrichir les recherches en études de genre et de mieux décortiquer les mécanismes des systèmes oppressifs et discriminants à l’œuvre dans nos sociétés, notamment dans le milieu éducatif.
Dans cet épisode Laurène Daycard reçoit les enseignantes-chercheuses Francine Nyambek Mebenga et Fanny Gallot pour revenir en détail sur le concept d’intersectionnalité qui fait l’objet de nombreux malentendus et continue à générer le débat, parfois même des crispations, au sein des sphères universitaire, médiatique, politique ou militante.
#8 Cinquante nuances de l’émancipation – Delphine Chedaleux
Quels liens établir entre féminisme, genre et culture populaire ? En d’autres termes, combien sommes-nous à penser que regarder Les feux de l’amour ou lire Fifty Shades of Grey, a fortiori lorsqu’on est une femme, nuit à notre respectabilité, voire nous aliène ?
En décryptant ce qu’elle nomme la « subculture féminine », la chercheuse Delphine Chedaleux, historienne des médias, nous offre des clés pour réfléchir à la fonction des produits culturels, plus complexes qu’il n’y paraît, pour interroger les normes de genre et penser les différentes modalités de l’émancipation.