Les identités de frontières de Gloria Anzaldúa
Série de textes, Ballast, juin-juillet 2020
Gloria Anzaldúa est née au Texas en 1942, à la frontière du Mexique. On la connaît notamment, outre-Atlantique, pour l’ouvrage choral qu’elle a copublié en 1982 : la première grande tribune des poètesses féministes non-blanches. Fille d’ouvrier, la théoricienne chicana du « mestizaje » (« métissage ») et de la pensée queer n’a eu de cesse de travailler ses concepts à même la ligne de démarcation qui séparait ces deux États frontaliers : une ligne comme une « blessure », disait-elle. Anzaldúa a ainsi traduit les tensions et les espoirs d’individus traversés par plusieurs cultures, de les enraciner dans une histoire à la fois politique et symbolique.
Elle a fait le choix, alors controversé, d’une écriture et d’un discours où se mélangent les langues qui sont les siennes : l’espagnol, le nahuatl uto-aztèque et l’anglais. Exilée dans son propre pays, car trop mexicaine ; exilée au sein des luttes de sa communauté, car lesbienne et féministe ; exilée des champs d’études féministes étasuniens, car trop proche de sa culture familiale : Gloria Anzaldúa, disparue en 2004, s’est employée à penser le dépassement et la création d’espaces à même de fortifier ces vécus et ces identités composites.
Nous avons publié un portrait d’elle dans notre dernier numéro papier ; nous prolongeons ce texte par une semaine thématique qui lui sera ici consacrée : comment appréhender la question des appartenances à partir de son œuvre, encore méconnue dans l’espace francophone ? Pour commencer, la traduction d’un texte qu’elle a écrit en 1992.