« Le violeur, c’est toi », hymne féministe mondial
Depuis octobre 2019, les Chiliens protestent contre l’augmentation du coût de la vie, avec en particulier l’augmentation des prix des transports collectifs. Les manifestants cherchent à mettre à bas les vestiges de la dictature, à instaurer une véritable démocratie sociale fondée sur de meilleurs régimes sociaux, de santé et de retraite, une éducation de meilleure qualité et accessible à toutes et tous. Les féministes chiliennes s’inscrivent aussi dans le prolongement de la vague de protestation « ni una menos » (« pas une de moins ») contre les féminicides et dans le sillage des manifestations féministes de 2018-2019 à Mexico. Au Chili, les militantes utilisent des moyens d’action particulièrement originaux, mêlant arts de rue, musique, chorégraphie dans le cadre de performances collectives spectaculaires. Ainsi, le 25 novembre 2019, à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, plusieurs dizaines de militantes s’installent devant le ministère de la Femme et de l’égalité de genre à Santiago, au Chili. A l’appel du collectif Las Tesis (Les Thèses), les participantes entonnent Un violador en tu camino (« un violeur sur ton chemin »), un poème chanté et dansé, extrait d’une pièce de théâtre conçue par le collectif.
L’écrivaine féministe colombienne Catalina Ruiz-Navarro analyse le succès de cette chanson de résistance à l’oppression machiste en Amérique latine.
Il y a un couplet que j’adore, « Un violeur sur ton chemin ». Il dit : « L’État oppressif est un macho violeur. » Selon moi, cette phrase est très importante parce qu’elle met en évidence le fait que c’est le système qui fonctionne mal. Il ne s’agit pas seulement d’actions individuelles. Il s’agit surtout de la façon dont nos gouvernements sont construits et conçus. Cette violence n’existerait pas s’il n’y avait pas une telle impunité, s’il n’était pas socialement acceptable que nous soyons disciplinées. Il y a des systèmes liés à l’éducation, au gouvernement, aux forces policières qui nous blessent au lieu de nous protéger, qui sont liés aux juges sexistes qui ne nous croient pas lorsque nous dénonçons des actes de violence… Toutes ces choses font que les gouvernements eux-mêmes sont responsables de cette violence.
En raison de l’unité linguistique et parce que la situation faite aux femmes est mauvaise dans toute l’Amérique latine, le chant est immédiatement repris et réinterprété en Argentine, en Colombie, au Brésil, au Mexique, au Pérou. Bientôt, par le biais des réseaux sociaux, la prestation des chiliennes devient virale. Le morceau et sa chorégraphie gagnent l’ensemble des continents. Traduites dans plusieurs langues (turc, français, italien, anglais, arabe), les paroles sont adaptées ou modelées en fonction des spécificités ou problématiques nationales.
Au printemps 2020, la pandémie de COVID-19 interrompt les manifestations au Chili. Autorités et forces de l’ordre profitent du confinement pour réprimer les mouvements de protestation et empêcher les voix dissidentes de s’exprimer. Il en faut plus pour réduire au silence les militantes chiliennes.
Fin mai 2020, Las Tesis et le groupe féministe russe Pussy Riot sortent « 1312 », un hymne nu-metal contre la violence policière sorti 4 jours après la mort de George Floyd aux Etats-Unis.
Sources : l’histgeobox et Brut media