Le masculinisme est un contre-mouvement social
Entretien avec Mélissa Blais, revue Ballast, décembre 2019
« C’est toujours plus facile de croire que nous formons une grande collectivité unie autour d’un projet national — c’est encore plus particulier pour la France, qui est imprégnée d’idéaux universalistes — et de pointer les autres du doigt, que de reconnaître qu’il persiste des problèmes à l’intérieur de nos sociétés. Les problèmes de démocratie, c’est toujours en Chine qu’on les voit, jamais ici. Mais ces terroristes domestiques révèlent des choses beaucoup plus subtiles, comme le harcèlement quotidien que vivent les femmes, les menaces qui visent les féministes (dans le cas de Polytechnique) ou l’islamophobie (dans le cas de la mosquée de Québec). Et les forces politiques dominantes, généralement constituées d’hommes privilégiés, refusent de voir ces injustices car elles ont un avantage à ce qu’on ne les voie pas : les voir, ça serait remettre en question la société dont ils tirent des avantages. »
« Le plus souvent, ce n’est pas le changement lui-même mais plutôt l’impression d’un changement qui serait contraire à leurs intérêts qui stimule les mouvements réactionnaires. C’est notamment le cas du masculinisme lorsque le mouvement féministe acquiert une certaine visibilité. Par exemple, lorsqu’au milieu des années 2000, le gouvernement annonce qu’il va allouer une certaine somme pour aider les maisons d’hébergement pour femmes victimes de violences conjugales et les centres d’aide pour les victimes de violences sexuelles — c’est-à-dire des ressources clairement identifiées au féminisme —, on observe une réaction contestataire très forte de leur part. De leur point de vue, ces organismes contribuent à retourner la société contre les hommes en protégeant les femmes. C’est bien la peur — une peur de privilégiés — qui est le moteur de leur mobilisation : la peur de perdre quelque chose qu’ils croient leur être enlevée, mais qui est suscitée par des effets d’annonces et de médiatisation. »