La lutte décoloniale élargit les analyses

Entretien avec Françoise Vergès, Ballast, avril 2019

« Je ne rejette ni n’idolâtre l’Europe ou le monde postcolonial », écrivait-elle dans l’un de ses premiers ouvrages, Mémoire enchaînée. Celle qui tient l’île de La Réunion, où elle a vécu toute sa jeunesse et son adolescence, pour le point de départ de sa pensée précisait que cette circulation, entre les espaces et les langues, lui autorise « le détour » et l’usage des textes comme autant d’outils. Une décennie plus tard, elle préside le collectif Décoloniser les Arts et publie l’essai-manifeste Un féminisme décolonial. Cette première partie s’approche de cet adjectif, souvent décrié.

https://www.revue-ballast.fr/francoise-verges-la-lutte-decoloniale/

Le féminisme a longtemps incarné la subversion de l’ordre des choses ; la donne a changé, avance Françoise Vergès. Le terme ne serait plus une injure : les néolibéraux, la modernité capitaliste, la droite et l’extrême droite se l’approprient volontiers et mènent, au nom du droit des femmes, « une entreprise de pacification » contre une partie d’entre elles, musulmanes et parfois voilées. C’est là le point de départ de son dernier ouvrage, Un féminisme décolonial, tour à tour manifeste, essai historique et brûlot d’actualité. Il ne s’agit pas, pour l’auteure, de jeter le terme en question, fût-il devenu un « repoussoir », mais de dénoncer ce qui, en ses rangs, contribue à la perpétuation de l’ordre impérialiste et raciste. Contre un féminisme nationaliste, occidentaliste, civilisationnel ou républicaniste, Vergès, forte d’un anticapitalisme assumé, entend accomplir un double geste : arracher le féminisme aux mains des dominant·e·s et marquer sa fidélité aux luttes des femmes du Sud. Nous en parlons dans la deuxième partie de cette rencontre.

https://www.revue-ballast.fr/francoise-verges-denoncer-ce-qui-nest-quune-fausse-universalite-2-2/

Françoise Vergès est l’auteure de Le Ventre des femmes (Albin Michel, 2017) et Un féminisme décolonial (La Fabrique, 2019). Cet entretien inédit est paru sur le site de la revue semestrielle Ballast.

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