Gens du voyage : des aires empoisonnées

Documentaire radiophonique, France culture, septembre 2020

Les “gens du voyage” sont tenus de s’installer sur des emplacements répartis inégalement sur le territoire, relégués à l’écart des villes et souvent à proximité d’usines Seveso ou de déchetteries. Trois histoires qui racontent le confinement, la promiscuité et les nuisances permanentes.

Emission de 28 minutes sur https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/gens-du-voyage-des-aires-empoisonnees

Emile a 60 ans et vit dans une caravane toute l’année, sur l’aire de Tremblay-en-France. Aujourd’hui au chômage, il a fait tous les métiers : ferraille, marchés, porte-à-porte… Pendant le confinement, Emile et ses proches ont vécu à dix-sept familles sur ce petit terrain, fait pour en accueillir douze.

Dans le terrain, huit personnes sont tombées malades. Trois cas ont été assez graves dont ma femme (…)  Je ne voyais que des malades autour de moi. C’était une catastrophe. On avait peur pour les enfants. On a vécu deux mois d’enfer. 

L’aire de Tremblay-en-France se situe à côté de l’aéroport Charles-de-Gaulle. La situation devait être temporaire : un an ou deux maximum, avant que l’on propose à Emile et sa famille une véritable aire d’accueil. Finalement, cela fait quinze ans que la situation stagne.

Ils ont choisi le terrain le plus vilain, près de l’aéroport. Les fils électriques haute tension passent partout au dessus de nous. Il y a tout le temps une odeur de kérosène. Et il y a quelques années, ils ont construit un funérarium à côté de chez nous. 

Cela fait des siècles que l’on est en France, que l’on est Français. Mais à cause de la caravane, on n’est pas accepté comme des citoyens français.

Vanessa a 38 ans et vit avec ses enfants à Rouen, sur une aire d’accueil située à 300 mètres de l’usine Lubrizol, où une quarantaine de familles se partagent le terrain. Vanessa était dans sa caravane, en train de regarder la télévision lorsque, dans la nuit du 26 septembre 2019, la catastrophe s’est produite.

On croyait que c’était l’usine Total et on a paniqué.  C’était l’enfer, le ciel était tout rouge de feu. La flammes étaient très hautes. J’ai pleuré parce que j’ai imaginé que le feu pouvait venir jusqu’à nous… On se demandait combien de temps ça allait durer.  

A 5h40, il y a eu des explosions de flammes, c’était tellement fort, on l’a bien senti dans la caravane. Mon téléphone, qui était sur l’étagère, est tombé à terre. Les explosions faisaient des boules de feu. C’était du jamais vu.

Une semaine après l’incendie, deux agents de la métropole sont venus nous voir. Nous leur avons demandé qu’ils nous mettent dans un endroit provisoire, loin de l’usine et de la pollution, au moins pour les enfants. On nous a répondu que ce n’était pas envisageable. 

Suite à cela, Vanessa a porté plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui et omission de porter secours.

William Acker, lui-même issu d’une famille de gens du voyage, a décidé, après l’incendie de l’usine Lubrizol, d’entamer un travail de recensement de toutes les aires d’accueil officielles des gens du voyage en France, département par département.Son but étant d’identifier les aires situées près d’installations polluantes et faire émerger des témoignages.

Le problème des aires d’accueil en France est connu depuis très longtemps. Elles sont toujours reléguées aux villes et situées à côté d’installations polluantes ou polluées. Parfois elles sont même installées sur des sols pollués.

Les nuisances et pollutions auxquelles sont exposées certaines familles sont de tous ordres.

On a la question des vibrations quand on est à côté d’une carrière, la question de la poussière, des pollutions… La question électrique également, car de nombreuses aires d’accueil sont situées sous des lignes haute tension.

  • Reportage : Clément Baudet
  • Réalisation : Anne-Laure Chanel

Merci à Emile, Vanessa, William Acker, Stany Cambot, Alice et Lise Foisneau.

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